Jean-Auguste-Dominique Ingres
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Jean-Auguste-Dominique Ingres

Jun 05, 2023

Jean-Auguste-Dominique Ingres


Peintre français 


Né : 29 août 1780 - Montauban, France

Décédé : 14 janvier 1867 - Paris, France



Enfance


Enfant aîné du sculpteur, peintre et musicien Jean-Marie-Joseph Ingres, Jean-Auguste-Dominique naît en 1780 à Montauban, une petite ville du sud de la France. Sous la tutelle de son père, il montre très tôt un talent pour le violon et un penchant pour le dessin ; son premier dessin signé connu date de 1789. Son éducation parisienne au Collège des Frères des Écoles Chrétiennes est interrompue par la fermeture de l'école pendant la Révolution française. En 1791, le père d'Ingres l'envoie à Toulouse et l'inscrit à l'Académie royale de peinture, sculpture et architecture, où il étudie avec les peintres Guillaume-Joseph Roques et Jean Briant, ainsi qu'avec le sculpteur Jean-Pierre Vigan. Il continue également à s'intéresser à la musique, jouant le second violon avec l'Orchestre du Capitole de Toulouse de 1794 à 1796. Les aptitudes musicales d'Ingres donneront plus tard naissance à l'expression "violon d'Ingres", utilisée pour décrire un talent prodigieux, mais secondaire, éclipsé par l'occupation principale ; l'expression servira plus tard de titre à une célèbre photographie surréaliste de Man Ray, datant de 1924.


Formation initiale


Suivant la progression typique des jeunes artistes ambitieux, Ingres quitte Toulouse pour Paris en août 1797 ; son père lui obtient une place dans l'atelier de l'illustre maître néoclassique Jacques-Louis David. Il y bénéficie non seulement de l'enseignement de David, mais aussi de l'effervescence du monde artistique parisien. Les récentes victoires militaires françaises en Hollande, en Belgique et en Italie avaient amené à Paris des trophées provenant de collections d'art historiques, offrant à Ingres un accès sans précédent aux chefs-d'œuvre de l'art de la Renaissance. Son amour pour Raphaël, en particulier, est attisé par la présence de la Madone de la Sedia (vers 1512) du palais florentin Pitti et du Couronnement de la Vierge (1502-04) du Vatican.

En tant qu'élève de David, il noue des relations étroites avec ses condisciples, notamment Étienne Delécluze, qui sera plus tard l'un des principaux critiques et défenseurs du néoclassicisme ; il se lie également d'amitié avec d'anciens élèves de premier plan, tels qu'Anne-Louis Girodet et Antoine-Jean Gros. Cette "école de David" a adopté de nombreux préceptes de son maître, mais a également rompu avec son exemple ; en particulier, elle a commencé à favoriser des sujets plus évocateurs et sensuels, ce qui a encouragé un style de peinture moins rigide. Selon Delécluze, Ingres avait tendance à travailler dans l'isolement, se concentrant studieusement sur le développement de son style personnel. Ce penchant pour une indépendance résolue le suivra tout au long de sa carrière, lui conférant une réputation de solitude et, plus tard, d'étroitesse d'esprit.

Napoléon sur son trône impérial (1806)

Napoléon sur son trône impérial (1806)

Les premières œuvres d'Ingres démontrent sa maîtrise des conventions académiques, ainsi que ses ruptures expérimentales avec cette tradition ; cette combinaison lui vaut ses premiers succès, ses Ambassadeurs d'Agamemnon (1801) étant récompensés par le prix de Rome. Des incertitudes politiques et des difficultés financières retardent de cinq ans son départ pour Rome. Pendant ce temps, Ingres continue de travailler à Paris, où il démontre rapidement son talent pour le portrait. Il présente cinq portraits au Salon de 1806, dont un autoportrait précoce, les portraits de la famille Rivière et, surtout, Napoléon Ier sur son trône impérial (1806). Ce n'est qu'en route pour Rome qu'Ingres apprend l'accueil mitigé qui leur est réservé, son professeur David qualifiant même son Napoléon d'"inintelligible". Ingres décide de rester en Italie jusqu'à ce qu'il puisse rentrer triomphalement à Paris.


La période de maturité


En tant que lauréat du prix de Rome, Ingres est censé envoyer des œuvres à Paris pour démontrer ses progrès ; il est déterminé à exceller dans ses contributions. Au lieu de renvoyer un simple nu masculin académique, son Œdipe et le Sphinx (1808) transforme cet exercice en une peinture d'histoire, le genre le plus célébré par l'Académie. Ingres cultive aussi délibérément des relations avec de riches mécènes, utilisant ses contacts à l'Académie pour obtenir des commandes de peintures d'histoire et de portraits. Bien qu'il considère le portrait comme une utilisation sans importance de son talent, cette activité est rentable et rendue nécessaire par son mariage en 1813 avec Madeleine Chapelle. En effet, ce n'est que grâce à sa réputation de portraitiste qu'Ingres survit aux retombées financières des guerres napoléoniennes, qui se terminent par l'effondrement de l'Empire en 1814. Bien qu'il ait été encouragé par l'achat par l'État de son Roger libérant Angélique au Salon de 1819, ses autres œuvres n'ont pas été aussi bien accueillies et il est resté en Italie, s'installant à Florence en 1820.

La Fornarina (1814)

La Fornarina (1814)

Quelques semaines seulement après son arrivée à Florence, Ingres reçoit la commande la plus importante de sa carrière. Le ministère français de l'Intérieur demande une grande peinture religieuse pour la cathédrale de Montauban, la ville natale de l'artiste, afin de commémorer la consécration de la France par Louis XIII à la Vierge Marie en 1638. Le résultat est Le Vœu de Louis XIII, achevé en 1824 et accueilli au Salon de cette année-là comme un succès incontestable. Cette œuvre marque un tournant décisif dans la carrière d'Ingres, qui devient le principal défenseur de la tradition classique face à la tendance croissante du romantisme (représentée au même Salon par les Scènes des massacres de Scio d'Eugène Delacroix). Le succès d'Ingres au Salon et son élection à l'Académie des Beaux-Arts en tant que membre correspondant en 1823 lui permettent de revenir à Paris en 1824 avec succès après 18 ans passés à l'étranger. L'année suivante, il reçoit la Croix de la Légion d'honneur de Charles X et une nouvelle commande pour un grand tableau d'histoire sur un plafond du Louvre, L'Apothéose d'Homère (1827).

Le vœu de Louis XIII (1824)

Le vœu de Louis XIII (1824)

Malgré cette reconnaissance officielle, Ingres trébuche parfois. Le Martyre de saint Symphorien, achevé en 1834 pour la cathédrale d'Autun, est mal accueilli au Salon de cette année-là ; les critiques dénoncent ses tonalités sombres, sa composition désordonnée et la déformation anatomique de ses personnages. Fidèle à sa réputation de tempérament, Ingres jura de ne plus jamais exposer au Salon ni d'accepter de commandes gouvernementales. Fermant les portes de son atelier parisien, il brigue la direction de l'Académie de France à Rome. Après avoir devancé son confrère Horace Vernet d'une voix, il retourne à Rome en décembre 1834.


La période tardive


Malgré son départ dramatique de Paris, Ingres, toujours ambitieux, n'a pas tout à fait tenu parole. Commandé par le prince Ferdinand-Philippe, collectionneur estimé et fils du roi Louis-Philippe, Antiochus et Stratonice (1840) est très bien accueilli lors d'une exposition privée organisée dans la résidence du mécène. Fort de ce succès, Ingres rentre à Paris après son mandat de six ans à la tête de l'Académie de Rome en 1841, écrivant à un ami : "Je suis bien justifié. Bien que j'aie toujours été un petit garçon modeste et humble devant les Anciens, [...] je dois avouer qu'il est très flatteur de voir couler des larmes sur mes œuvres, et par ceux qui ont une sensibilité bonne et raffinée". Comme l'explique l'historien de l'art Gary Tinterow, "contrairement aux héros qu'il a immortalisés, Napoléon et Homère, Ingres a organisé et assisté à sa propre apothéose".

L'apothéose d'Homère (1827)

L'apothéose d'Homère (1827)

Bien qu'il ait juré de ne plus jamais exposer ses œuvres en public, Ingres a accepté de participer à la rétrospective de 1846 à laquelle participaient Jacques-Louis David et ses plus formidables élèves. Ingres y occupe une place d'honneur : après son maître, il a le plus grand nombre d'œuvres exposées et les critiques se concentrent sur ses portraits, le qualifiant de "maître de notre siècle sans égal en ce qui concerne ses portraits". Puis, en 1855, il est honoré par une rétrospective monographique et une galerie qui lui est entièrement consacrée à l'Exposition Universelle. Malgré cette marque de respect, Ingres, toujours ennuyeux et paranoïaque, est outré de devoir partager la grande médaille d'honneur cette année-là avec neuf autres artistes, dont son rival, Delacroix, roi sacré du romantisme et soi-disant "apôtre de la laideur".

Un épisode particulièrement intéressant de la rivalité entre Ingres et Delacroix est mis en lumière par l'auteur et écrivain d'art Julian Barnes dans son livre Keeping an Eye Open (2015). "[L'écrivain du XIXe siècle Maxime] Du Champ raconte l'histoire d'un banquier qui, innocent de toute politique artistique, réussit par erreur à inviter les deux peintres à dîner le même soir. Ingres, après avoir fait la grimace, ne peut plus se retenir. Tasse de café à la main, il accoste son rival près d'une cheminée. Monsieur, déclara-t-il, le dessin, c'est l'honnêteté, le dessin, c'est l'honneur. Le dessin, c'est l'honneur ! Devenu de plus en plus colérique face à la froideur de Delacroix, Ingres renverse son café sur sa chemise et son gilet, puis saisit son chapeau et se dirige vers la porte, où il se retourne et répète : "Oui, monsieur ! c'est l'honneur ! c'est l'honnêteté !". C'est de l'honnêteté !".

Portrait de Monsieur Bertin (1832)

Portrait de Monsieur Bertin (1832)

Au cours de la dernière décennie de sa vie, la pratique d'Ingres devient de plus en plus privée, alors qu'il se concentre sur la production d'œuvres pour ses amis proches et sa famille. Il était vénéré, l'empereur Napoléon III l'ayant même nommé sénateur en mai 1862, mais ses dernières années de travail ont été consacrées à revisiter d'anciens motifs et des toiles abandonnées depuis longtemps, notamment des versions modifiées de L'Apothéose d'Homère, d'Antiochus et Stratonice, et d'Œdipe et le Sphinx. Sa dernière œuvre enregistrée, répertoriée dans un carnet comme "une grande Vierge avec l'hostie et deux anges", est datée du 31 décembre 1866. Deux semaines plus tard, Ingres meurt d'une pneumonie. Il lègue le contenu de son atelier à ce qui deviendra plus tard le musée Ingres de Montauban.


L'héritage de Jean-Auguste-Dominique Ingres


Bien qu'étroitement associé à l'Académie et à sa réputation de conservatisme, l'intérêt d'Ingres pour la beauté linéaire et sa volonté de déformer ses sujets pour obtenir une forme visuelle plus agréable ont eu un impact sur l'avant-garde. Ses multiples toiles de harems féminins et d'odalisques orientaliste ont inspiré d'autres artistes à s'emparer du sujet ; l'Olympia (1863) d'Édouard Manet réinventera l'odalisque en prostituée parisienne (choquant le public du Salon), tandis qu'Henri Matisse mettra l'accent sur l'exotisme oriental de ses nus féminins allongés. Edgar Degas considérera Ingres comme un maître du dessin, émulant sa linéarité sous sa touche impressionniste. Gustave Moreau adopte l'académisme d'Ingres, prolongeant les leçons des contours et des récits classiques jusqu'à la fin du XIXe siècle. Pablo Picasso a poussé les distorsions figuratives d'Ingres à de nouveaux niveaux, mais il s'est également inspiré de ses portraits très travaillés pour créer son style classique de l'entre-deux-guerres. En effet, l'insistance du cubisme sur l'art en tant qu'entreprise intellectuelle et cérébrale a été directement liée à l'exemple néoclassique, qui mettait l'accent sur le regard en tant qu'expérience réfléchie, plutôt qu'émotionnelle ou sensationnelle. L'illusionnisme impeccable et les corps abstraits de l'œuvre d'Ingres créent un sentiment d'étrangeté qui inspirera les symbolistes et les surréalistes par ses combinaisons de familier et d'étrange.

Au XXe siècle, de nombreux artistes ont reconnu la subtilité avec laquelle Ingres a repoussé les limites du style académique dans son œuvre, manipulant l'anatomie humaine et les normes de composition. Parce qu'Ingres a volontairement sacrifié l'illusionnisme en faveur d'effets esthétiques et compositionnels, Barnett Newman l'a identifié comme un prédécesseur de l'expressionnisme abstrait, déclarant dans une interview : "Ce type était un peintre abstrait. [Kline, de Kooning - aucun d'entre nous n'aurait existé sans lui". D'autres artistes, dont les Guerrilla Girls, ont critiqué Ingres comme le principal représentant de pratiques artistiques rétrogrades qui exploitaient le nu féminin pour un regard masculin et se sont opposés à ses sujets érotiques et colonialistes.
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