Yves Tanguy
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Yves Tanguy

Oct 10, 2024

Yves Tanguy


Peintre français


Né : 5 janvier 1900 - Paris, France

Mort : 15 janvier 1955 - Woodbury, Connecticut


Enfance

Tanguy est né dans une famille de marins. Son père était capitaine de navire et la famille vivait au ministère de la Marine, place de la Concorde. Les mers, les ciels et les pierres des côtes du Finistère, en Bretagne, où Tanguy passait ses étés lorsqu'il était enfant, apparaissent dans son œuvre de maturité. Son enfance est marquée par des coups durs : son père meurt en 1908 et son frère meurt pendant la Première Guerre mondiale. Sa mère s'installe à Locronan, dans le Finistère, mais Tanguy reste à Paris pour terminer ses études. Adolescent, Tanguy a la chance de se lier d'amitié avec Pierre Matisse (fils d'Henri Matisse), dont les encouragements et le soutien seront déterminants pour sa carrière artistique, qui ne commencera pas tout de suite. Sa famille s'attend à ce qu'il s'engage dans la marine marchande et c'est ce qu'il fait, travaillant sur des cargos entre l'Amérique du Sud et l'Afrique de 1918 à 1919. En 1920, il est enrôlé dans l'armée française à Tunis, où il rencontre le poète Jacques Prévert, qui se réjouit de l'excentricité de Tanguy et de ses habitudes étranges, comme le fait de mâcher ses chaussettes ou de manger des araignées vivantes. Cette dernière habitude est devenue un tour de passe-passe qu'il répétait souvent.


Les débuts

Après sa libération de l'armée, Tanguy et Prévert, désillusionnés par les conventions, adoptent un style de vie bohème à Montparnasse. Ils s'installent chez l'écrivain Marcel Duhamel au 54 rue du Château, qui devient un lieu de rencontre informel pour les artistes et les écrivains. Cette période intense mais sans but précis de sa vie s'arrête en 1923, lorsqu'une rencontre fortuite change sa vie. En passant devant la vitrine d'une galerie à Paris, Tanguy aperçoit Le Cerveau de l'enfant de De Chirico, et l'expérience du tableau est si électrisante qu'il décide de devenir peintre sur-le-champ. D'autres sources d'inspiration précoces pour le jeune Tanguy sont Hieronymus Bosch, Lucas Cranach et Paulo Uccello, des maîtres de la Renaissance dont il apprendra à imiter les couleurs lumineuses et la perspective.

En 1924, il est présenté à André Breton, poète et auteur du Manifeste du Surréalisme (1924), et assiste à la première exposition surréaliste en 1925. Dès lors, Tanguy est un adepte passionné, dont les yeux bleus étonnants et les cheveux proto-punk font de lui une sorte de mascotte surréaliste. Breton écrit : « Qu'est-ce que le surréalisme ? C'est l'apparition d'Yves Tanguy, couronné du grand oiseau de Paradis émeraude ». Tanguy, à son tour, idolâtrait Breton et l'appelait « Papa ». Tanguy fut l'un des membres les plus fidèles du mouvement surréaliste, contribuant aux manifestes, aux magazines et aux expositions. L'exposition personnelle de Tanguy en 1927 était accompagnée d'un catalogue qui vantait les distorsions habiles de l'artiste comme l'expression surréaliste ultime, traduisant la méfiance générale à l'égard de la réalité qui caractérisait le mouvement. S'inspirant du psychanalyste Carl Jung, qui conseillait à ses patients de commencer par leur rêve et d'aller vers l'extérieur, il peignait d'abord les arrière-plans et les ombres, avant d'ajouter ses formes uniques en forme d'os. Ni animales, ni végétales, ni minérales, les créations de Tanguy rampent, se cambrent, s'enfoncent et volent. Breton les appelait les « sujets-objets » - ils sont solides et ont des ombres, mais existent dans des perspectives irréelles avec une gravité nulle. Ils sont à la fois réels et irréels, comme l'illustre l'article de Tanguy Poids et Couleurs (1931) dans lequel il crée des sujets-objets en peluche rose, en celluloïd nacré, en plâtre, en paille, en cire et en mercure, façonnés à la main.

Maman, papa est blessé ! (1927)

L'objectif des surréalistes était la confrontation, et certaines des premières réactions à l'œuvre de Tanguy furent violentes. En 1930, ses premières œuvres sont exposées lors de la projection à Paris de L'Âge d'Or de Dalí et Buñuels. Le sexe et la violence du film provoquent une émeute et trois de ses peintures sont déchiquetées. Malgré cette réaction négative, Tanguy continue d'aimer le cinéma et s'inspire notamment de sa capacité à capturer le mouvement. Il illustre également des œuvres littéraires surréalistes, comme La Grande Gaîté de Louis Aragon (1929) et La Vie immédiate de Paul Eluard (1932). Fidèle à Breton, il signe le deuxième Manifeste surréaliste en 1930, et la lettre collective de 1934 expulsant Dalí du groupe pour ses propos pro-hitlériens.


Période intermédiaire

Au milieu des années 1930, Tanguy est à la fois célèbre et riche. Sa réputation s'est accrue avec des expositions à Paris, en Belgique, en Angleterre, à New York, à Tenerife et au Guggenheim Jeune. Pourtant, Tanguy considérait le prestige et la richesse comme sans importance, voire répréhensibles. Lors de soirées arrosées à Paris, ses amis l'ont vu rouler des billets de banque en boules et les lancer sur des clients de café médusés. Il entame une liaison passionnée avec Peggy Guggenheim, lui disant un jour que l'argent le trouble et qu'il souhaiterait ne pas en avoir autant d'un coup. Leur liaison prend fin lorsqu'il rencontre sa future femme, la peintre surréaliste Kay Sage. En 1939, il part avec elle en Amérique pour peindre et voyager, et se marie à Reno, dans le Nevada, en 1940. Une fois en Amérique, son travail ne fait toujours aucune concession à la réalité, mais il ajoute des rouges et des jaunes vibrants à ses gris crayeux, inspirés par le paysage américain. Breton a brillamment résumé cette nouvelle palette de couleurs comme suit : « capucine, coq-à-l'âne, feuille de peuplier, chaîne de puits rouillée, sodium coupé, ardoise, méduse et cannelle ». Tanguy continue à manipuler l'échelle et la perspective, notant que la lumière et l'espace accrus de l'Amérique lui donnent l'impression d'avoir « plus de place ». Pourtant, il commence à remplir ses œuvres de groupes de sujets-objets, qui ne sont plus très espacés les uns des autres. Leurs textures changent également, passant de l'os et de la roche au tissu, au bois, à la résine et au plastique.

En 1942, le tableau de Tanguy intitulé Encore et toujours a été présenté lors de la célèbre exposition Artistes en exil de Matisse. Les autres artistes invités à y participer sont Roberto Matta, Ossip Zadkine, Max Ernst, Marc Chagall, Fernand Léger, André Breton, Piet Mondrian, André Masson, Amédée Ozenfant, Jacques Lipchitz, Pavel Tchelitchew, Kurt Seligmann et Eugène Berman, qui ont tous fui la Seconde Guerre mondiale. Sa réputation d'icône continue de croître avec des expositions en 1943-1945 à la galerie de Pierre Matisse et une exposition conjointe avec Jackson Pollock et Mark Rothko à l'Art of the Century de Peggy Guggenheim (1944). Sage et lui s'installent à Woodbury, dans le Connecticut, peignant chaque jour et révisant leurs œuvres respectives. Ses compositions montrent l'influence des formes géométriques plus grandes de Sage. Il s'est éloigné de l'automatisme pur et commence par esquisser ses compositions. La tension grandit dans ses relations avec « Papa » Breton, qui avait tendance à excommunier les surréalistes (Max Ernst, par exemple) avec lesquels il n'était pas satisfait, qui n'appréciait pas la célébrité de Tanguy et sa façon insuffisamment inconsciente de travailler. Il finit par dénoncer Tanguy comme « bourgeois » et demande à Pierre Matisse de rompre avec lui. Tanguy était furieux, et l'inimitié mutuelle dura des années.


Travaux ultérieurs

Devenu citoyen américain, Tanguy voyage beaucoup dans l'Ouest américain et se rend régulièrement en Arizona chez ses compatriotes surréalistes en exil, Max Ernst et Dorothea Tanning. L'échelle impressionnante des roches rouges, l'éclat du soleil aveuglant et le drame des sculptures géantes en ciment et en métal d'Ernst inspirent Tanguy. L'environnement du Sud-Ouest et la réalité de l'Amérique de la machine se reflètent dans les formes mécaniques, angulaires et métalliques qui caractérisent son travail durant cette période. En 1953, il visite l'Europe pour la première fois depuis son départ en 1939. Il expose à Rome à la Galleria de l'Obelisco, à Milan au Puis del Naviglio et à Paris à la Galerie Renou & Poyet. Avant de retourner en Amérique, il rend visite à sa sœur et à ses côtes bretonnes bien-aimées.

En 1954, le Wadsworth Atheneum, dans le Connecticut, a organisé une exposition commune des œuvres de Tanguy et de Sage. En dépit de leurs pratiques de travail interdépendantes, ils souhaitaient une indépendance artistique et ont insisté pour que leurs œuvres soient exposées dans des galeries séparées. Tanguy a donné peu d'indications sur son processus, refusant de discuter de son idéologie et de ses méthodes techniques. Il se décrit comme « très seul dans mon travail, j'en suis presque jaloux ». Des amis comme Breton et Hans Richter ont qualifié Tanguy de solitaire vers la fin de sa vie, mais il continuait d'apprécier les jeux surréalistes. Peu avant sa mort, il a joué dans le film d'art 8x8 de Richter. Un peu à la Lewis Carrol, un peu à la Freud, le film utilise les échecs (où les pièces peuvent devenir d'autres pièces) comme métaphore de la transformation. Duchamp joue le roi blanc, Jaqueline Matisse la reine blanche et Tanguy le chevalier noir. Tanguy meurt subitement le 15 janvier 1955 à la suite d'une hémorragie cérébrale. Les mois qui ont précédé sa mort ont été particulièrement prolifiques. Ses robustes toiles finales sont souvent considérées comme l'aboutissement des obsessions de sa vie, élevant ses projections fantastiques à un nouveau niveau et rassemblant les sujets, objets, couleurs et thèmes de sa vie en de puissantes déclarations, telles que Multiplication des arcs (1954) et Nombres imaginaires (1954). Ses cendres sont dispersées en Bretagne. En septembre 1955, la première grande rétrospective de l'œuvre de Tanguy a eu lieu au Museum of Modern Art de New York.

L'héritage d'Yves Tanguy

Dans son ensemble, la carrière de Tanguy constitue un pont entre le surréalisme et l'expressionnisme abstrait. Les premières œuvres de Tanguy ont anticipé une grande partie du surréalisme ultérieur - peut-être de la manière la plus visible dans les compositions de Salvador Dalí. Son travail de pionnier en matière d'automatisme (peinture inconsciente) a également été admiré par Jackson Pollock, Mark Rothko et d'autres artistes américains qui partageaient sa fascination pour l'inconscient et imitaient la liberté gestuelle de ses arrière-plans atmosphériques. Julien Levy a noté que : « l'espace pour Dalí est devenu terrible, pour Tanguy il est devenu à la fois intime et éternel, consolant et inévitable ». Cependant, Dalí a dit un jour à Agnès, la nièce de Tanguy : « J'ai tout piqué à ton oncle Yves ». L'influence de Tanguy a été remarquée dans les sculptures de Hans Arp, David Hare et Isamu Noguchi, ainsi que dans les œuvres de Roberto Matta, Wolfgang Paalen et Esteban Francés. En 1963, Pierre Matisse et Kay Sage ont publié Yves Tanguy, Un résumé de son œuvre avant d'entamer le Catalogue raisonné d'Yves Tanguy.
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