Jean-Baptiste-Siméon Chardin
Jan 02, 2024
Jean-Baptiste-Siméon Chardin
Peintre français
Né : 2 novembre 1699 - Paris, France
Mort : 6 décembre 1779 - Paris, France
Enfance et éducation
On ne sait pas grand-chose des premières années de la vie de Jean-Baptiste-Siméon Chardin. Né rue de Seine à Paris, Chardin passe son enfance à accompagner son père, fabricant de billards, dans son atelier. La famille de Chardin, prospère mais modeste, fait partie d'une classe d'artisans bourgeois qui influencera les sujets de nombre de ses peintures de genre ultérieures. Le jeune Chardin rejoint d'abord l'atelier du peintre Pierre-Jacques Cazes, où il apprend les techniques du dessin académique, puis celui de Noël-Nicolas Coypel, célèbre peintre d'histoire. Bien que Chardin ne s'intéresse guère à la peinture d'histoire, une commande de Coypel, consistant à copier un mousquet d'après nature pour l'inclure dans l'un des tableaux de chasse du maître, l'oriente vers le style d'observation méticuleuse dont son nom deviendra synonyme. Il reçoit une formation complémentaire à l'Académie de Saint-Luc, une guilde semblable à celle de Saint-Luc, le saint patron des peintres. L'œuvre de Chardin au cours de ces premières années comprend un certain nombre de scènes de genre, ainsi qu'une enseigne commandée pour le cabinet d'un chirurgien parisien.
La Raie (1725-26)
Ce sont toutefois ses natures mortes qui attirent l'attention de l'Académie Royale de Peinture. En septembre de la même année, il est reçu par l'Académie comme un peintre "d'animaux et de fruits". Choisissant des objets apparemment banals tels que des ustensiles de cuisine, des légumes, des pots en cuivre, des œufs et d'autres articles ménagers, Chardin se délecte des différentes textures et des formes simples de ses sujets. En 1731, Chardin gagne suffisamment d'argent pour épouser Marguerite Saintard, à laquelle il est fiancé depuis 1723, mais dont les finances n'ont jamais été suffisamment sûres pour permettre l'union. Peu après, il reçoit sa première commande officielle pour la maison parisienne de Conrad-Alexandre de Rothenbourg, l'ambassadeur de France en Espagne, pour laquelle il réalise une paire de panneaux décoratifs intitulés Attributs des arts et Attributs des sciences (1731).
La lavandière (1733)
Période de maturité
Bulles de savon (c. 1734)
Le château de cartes (1736-37)
Bien que la nouvelle position de Chardin en tant qu'académicien lui apporte plus de respect et de liberté artistique, les années 1730 ne sont pas des années paisibles pour la vie personnelle du peintre ; en 1735, sa femme meurt, suivie par la mort de leur fille seulement un an plus tard. Souffrant de cette détresse considérable, Chardin lui-même lutta contre la maladie jusqu'au début des années 1740. Ces difficultés personnelles n'empêchent cependant pas l'artiste de continuer à cultiver sa carrière et son répertoire. Peut-être poussé par des considérations financières - les natures mortes avaient un prix assez modeste - ainsi que par la popularité croissante des peintures hollandaises du XVIIe siècle, Chardin commence à développer ses compétences en tant que peintre de genre, tout en conservant un goût notable pour les intérieurs domestiques.La figure humaine était depuis longtemps la norme pour les académiciens qui tentaient de se faire un nom, et il n'est donc pas surprenant que Chardin se soit tourné vers les scènes de genre pour accroître à la fois ses revenus et son prestige. Le rétablissement du Salon en 1737 a offert à Chardin une motivation supplémentaire pour développer son œuvre au-delà de la nature morte. Un certain nombre de ces scènes ont été gravées par Charles-Nicolas Cochin (1688-1779), qui est cité comme l'un des rares amis proches de Chardin. Le fait que l'une des connaissances les plus proches de Chardin soit son graveur montre à quel point son cercle social était restreint et le sérieux avec lequel il travaillait. Bien que Chardin ait vécu à Paris et n'en soit que rarement sorti, son attitude renfermée face à la peinture lui a souvent valu d'être pris pour un peintre rural.
Chardin, Jeune élève dessinant (vers 1738). Chardin représente ici un jeune artiste qui apprend à dessiner en copiant le travail des maîtres anciens.
Chardin se remarie en 1744, cette fois avec Françoise-Marguerite Pouget, avec qui il a une fille qui ne survit pas à la petite enfance. La perte d'un autre enfant l'a peut-être incité à revenir à la peinture de natures mortes à la fin des années 1740, bien qu'il reste très peu de traces de sa vie personnelle et de ses expériences à cette époque. Bien qu'il ait cessé de produire de nouvelles scènes de genre figuratives après 1750, il a continué à reproduire ses propres œuvres et motifs avec de légères variations, ce qui suggère leur popularité et leur possibilité de vente sur les marchés de l'art européens. Sa deuxième période de natures mortes marque un retour aux scènes de cuisine et de garde-manger du début de sa carrière, mais avec une variété nettement plus grande d'objets et de configurations. Il est probable que sa meilleure situation financière lui ait permis d'avoir accès à des articles ménagers plus raffinés, comme l'indique l'inclusion de verrerie, d'argenterie fine et de récipients en porcelaine dans ces dernières œuvres.
Les attributs des arts et leurs récompenses (1766) - une œuvre allégorique qui démontre la capacité de Chardin à élever le genre de la nature morte au niveau du symbolique. Cette version du tableau, conservée au Minneapolis Institute of Art, est une copie réalisée par Chardin d'après la version originale commandée par Catherine la Grande.
L'attention de Chardin s'est déplacée des détails minutieux de chaque objet vers les effets globaux de leur composition en tant qu'ensemble, comme en témoignent des œuvres telles que La table du majordome (1763) et Le panier de fraises des bois (1761). Cependant, le penchant qu'il a toujours eu pour la représentation des effets de l'ombre et de la lumière fait le lien entre les premières et les dernières périodes de sa pratique de la nature morte. Malgré le fait que, dans l'ensemble, les commandes de natures mortes étaient rares, la réputation de Chardin lui avait valu une faveur considérable, et il reçut un certain nombre de commandes pour des dessus-de-porte dans les années 1760, tels que ceux que l'on trouve encore au château de Choisy et au château de Bellevue. En 1766, la Grande Catherine lui commande une porte pour l'amphithéâtre de l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, pour laquelle il réalise Les attributs des arts et leurs récompenses (1766). Ces panneaux décoratifs démontrent sa capacité à élever le genre officiellement moins important de la nature morte à de nouveaux sommets, car il insuffle à ses sujets allégoriques un sentiment de monumentalité et d'importance éblouissant. Le célèbre historien de l'art Pierre Rosenberg a écrit à leur sujet : "Jamais la décoration n'a été moins décorative".
Panier de fraises des bois (1761)
Période tardive
La présentation de Chardin au Salon de 1771 choque ses pairs et le public ; au lieu de ses habituelles natures mortes ou peintures de genre, il expose trois pastels, dont l'Autoportrait aux lunettes (1771). Des rumeurs avaient déjà circulé à Paris sur sa maladie, mais ce n'est qu'au début des années 1770 que l'on découvrit que le grand peintre perdait la vue. Il écrit dans une lettre au comte d'Angiviller : "Mes infirmités m'ont empêché de continuer à peindre à l'huile, et j'ai eu recours au pastel". Les peintures à l'huile à base de plomb utilisées par les artistes du XVIIIe siècle émettaient des vapeurs qui aggravaient les yeux déjà affaiblis de Chardin. Les pastels, en revanche, n'ont pas ces effets néfastes et lui permettent de continuer à travailler. Par coïncidence, cette même maladie, l'amaurose, une paralysie des yeux, frappera Edgar Degas un siècle plus tard ; lui aussi se tournera vers le pastel comme solution. Les portraits au pastel de Chardin se caractérisent par des couleurs vives et une touche picturale, alors qu'il expérimente les textures que lui offrent les différents papiers. Bien qu'il ait réalisé très peu de portraits tout au long de sa carrière, ces œuvres tardives démontrent le talent de Chardin à la fois pour le dessin d'après nature et pour rendre les subtiles modulations de lumière et de ton.
En raison de la baisse de sa vue, Chardin s'est tourné vers les pastels au cours de la dernière décennie de sa vie, réalisant un certain nombre d'autoportraits tels que l'Autoportrait à la visière (vers 1776).
La dernière décennie de sa vie s'avère difficile pour Chardin. La tragédie frappe à nouveau sa vie personnelle en 1772, lorsque son seul enfant survivant, Jean-Pierre, qui avait suivi les traces de son père et entamé une carrière de peintre d'histoire, se noie à Venise. De plus, un changement à la tête de l'Académie met le peintre hors-jeu, et bientôt hors de popularité. L'émergence du néoclassicisme comme style officiel de peinture à la fin du XVIIIe siècle a eu pour effet d'associer l'œuvre de Chardin à la frivolité et à l'indulgence de la peinture rococo, en dépit de son goût de toujours pour les sujets humbles, représentés de manière simpliste. Lorsque Chardin meurt en 1779, son nom est pratiquement oublié par le monde de l'art parisien.
Autoportrait aux lunettes (1771)
L'héritage de Jean-Baptiste-Siméon Chardin
Bien qu'il ait terminé sa vie et sa carrière dans une quasi-obscurité, Chardin a exercé une grande influence sur un certain nombre d'artistes importants de la génération qui l'a suivi, notamment Jean-Honoré Fragonard, qui a étudié avec lui avant de travailler avec François Boucher, et Jacques Louis David, dont Chardin a soutenu les efforts au sein de l'Académie, en dépit de leurs différences stylistiques. Il reçut ensuite les honneurs qui lui étaient dus au milieu du XIXe siècle, lorsqu'il fut "redécouvert" par des critiques réalistes tels que Théophile Thoré et Jules Champfleury, ce dernier étant le grand défenseur de Gustave Courbet.Une série d'articles sur Chardin publiés par les frères Edmond et Jules de Goncourt au début des années 1860 l'a présenté aux peintres auxquels la naissance du modernisme est associée, en particulier Édouard Manet, dont les natures mortes trahissent l'influence des subtiles représentations de la lumière de Chardin, ainsi que sa célébration permanente de la dignité dans les sujets quotidiens. Paul Cézanne fera ensuite l'éloge des pastels de Chardin, et Henri Matisse l'appellera un jour son peintre préféré. Ce retour à la popularité parmi les peintres et les critiques a conduit le Louvre à acquérir rapidement ses œuvres, rétablissant fermement sa position illustre dans l'histoire de la peinture française. Libéré des associations aristocratiques du Rococo, Chardin est un peintre singulier dans l'histoire de l'art du XVIIIe siècle, car son goût pour les sujets simples et humbles a permis à ses talents de briller à la fois à l'huile et au pastel.